Salut,
Le sujet ne va pas plaire à Baccardi : y’a des canassons partout ! J’avoue que ces bestioles ne me passionnent pas non plus, mais là je ne peux pas franchement faire autrement.
Et puis bon, rien ne nous empêche d’aller un prochain dimanche manger une de ces excellentes entrecôtes de poulain des Franches-Montagnes dans un estaminet ad hoc.
Surtout qu’on va bien finir par retomber sur nos pattes et qu’on parlera d’armée, d’armes, de tir et de tout ce qui va bien sur ce forum. Si, si, tu vas voir !
1ère partie : c’est qui machin ?
Bref : Hugentobler. En bourbine rural, ça se prononce « houx-que-top-l’ère ». Cherche pas, c’est comme ça et fais comme j’te dis si tu veux avoir l’air d’un connaisseur. Hugentobler donc est né en 1886 et décédé en 1972. Selon nos références à nous, ça couvre toute la période des Schmidt-Rubin jusqu’au Fass57. Il a juste loupé le SIG P220 de 3 ans. Comme quoi on meurt toujours trop tôt…
Ses parents choisissent de l’appeler Iwan Edwin, ce qui dénote un certain sens de l’humour, ou la volonté de faire des points au scrabble, va savoir…
C’est un artiste. Dessinateur, peintre et graphiste entre autres. Un mec doué, assez connu chez nous et même au-delà de la frontière du canton de Zurich. Par certains côtés, ou peut même dire qu’il a fait un tabac. Parmi ses créations les plus célèbres, on note la fameuse publicité pour les cigares Rössli. Un Rössli est un petit cheval. En Suisse allemande il y a plus de 400 restaurants Rössli. Contre une cinquantaine seulement de « cheval blanc » en Romandie. Le nom est connu et associé aux plaisirs de la table. Les cigares Rössli sont lancés en 1933 et doivent sans doute une bonne partie de leur succès au graphisme de Hugentobler.
On reste dans le tabac, la plaque d’émail des cigarettes Turmac est une référence parmi les collectionneurs. La dernière qui s’est vendue en Suisse en mai 2015 est partie à Fr. 3200.- quand même.
Concours hippiques, cavalerie, ces sujets sont souvent associés à l’armée. A l’époque, les officiers ont le sens de l’honneur, et du pratique : quoi de mieux qu’un canasson pour éviter de se faire des ampoules aux pieds ? Il n’est pas étonnant de retrouver des militaires sur des affiches qui annoncent pourtant des évènements « civils » :
Les années passent, le style évolue…
Mais les sujets restent les mêmes :
2e partie : les canassons
Un certain nombre de ses affiches et posters sont à vendre, notamment sur ebay.com. J’étais par exemple très content de voir une affiche avec le nom et les armoiries de ma ville :
Mais à près de 800 dollars le bout, sur un thème qui ne me motive pas vraiment, je m’abstiendrai de ce genre de dépense.
Lorsqu’on n’a pas les moyens d’acheter des affiches, on cherche des cartes postales. Et ça tombe bien, Hugentobler a dessiné toute une série de cartes postales en relation avec l’armée. Les trouffions à l’époque n’avaient pas de smartphones et n’envoyaient pas de courriels. La carte postale vit ses meilleures années. Hugentobler en dessine avec des chevaux bien sûr :
Mais pas seulement….
3e partie : les sujets plus militaires
Enfin, on arrive sur quelque chose d’intéressant ! On sent bien que le mec est un peu monomaniaque. Il te case ses canassons partout :
Ce qui n’est pas sans intérêt quand même : si on compare ce petit là dans son coin avec celui de la publicité Turmac vue plus haut, on se dit que ça sent un peu le recyclage.
Les soldats aiment bien envoyer des cartes postales en relation avec leur affectation. Artillerie…
… artillerie de montagne…
… et même aviation…
… viendront illustrer les cartes d’Hugentobler.
Et quand ce ne sont pas des cartes, ce sont des tableaux :
Ou des travaux de commande tel ce portrait équestre du général Wille :
Plus étonnant encore, on retrouve l’armée dans de la publicité pour de la laine :
Le rapport n’est pas forcément évident, sauf peut-être si tu as déjà fait de longues marches avec de mauvaises chaussettes…
4e partie : le tir
Il y a quelques semaines, je ne savais rien de tout ça. Moi je suis un tireur, parfaitement inculte donc. Tout ça c’est de la faute d’un copain collectionneur d’affiches et de plaques émaillées entre autres trucs inutiles qui prennent la poussière. Machin se radine à la maison un samedi matin, en rentrant du marché aux puces.
Il me tend un petit cadre artisanal (un verre sur mesure et 4 bandes de scotch !) qui protège une carte postale :
Une carte éditée en 1924 pour le centenaire de la société des carabiniers. Il m’explique que c’est la signature d’un grand artiste suisse, celui de sa plaque Turmac par exemple, que je devrais me renseigner.
Ce que j’ai fait, puisqu’on ne sait jamais, on risque d’apprendre des trucs. Tu me diras qu’on peut savoir plein de choses et être très con quand même (pour prendre un exemple au hasard : moi !). Mais ça c’est de la philosophie et on est là pour parler flingues.
Au chapitre des affiches dessinées par Hugentobler, celle-là nous interpelle :
Pour un concours de tir. « Ostschweizerisches Karabiner- und Kurzgewehrschiessen », à Pfäffikon en 1925. Concours doté de fr. 100.000.- de prix, en 1925 ce n’était pas rien! Et surtout : réservé apparemment aux mousquetons et aux fusils « courts ».
Je n’en sais pas plus, je ne connais pas le règlement de l’époque et ne peux que faire des suppositions. Mais le titre de cette manifestation ne laisse guère de doute : Les fusils longs n’étaient pas invités.
5e et dernière partie : Une biographie un peu plus sérieuse quand même, pour les intéressés…
Iwan Edwin Hugentobler. (* 14.3.1886 Degersheim, † 19.4.1972 Zürich).
Iwan Edwin Hugentobler était le fils d'un forgeron et maréchal-ferrant. Il a donc passé toute sa jeunesse au milieu des chevaux. Il a développé une véritable passion pour ces animaux, passion qui allait plus tard influencer son travail artistique de manière déterminante.
Son incroyable don pour le dessin a été remarqué dès l’école primaire. Il a donc logiquement suivi des études de dessin sous la houlette du musée du commerce et de l'industrie de St-Gall. Avant d’assumer un premier emploi de dessinateur dans la célèbre broderie saint-galloise Hufenus.
Iwan Edwin Hugentobler était un perfectionniste qui a réalisé d’innombrables études et esquisses. Il a essayé diverses techniques et acquis de grandes compétences, non seulement comme dessinateur, mais aussi en tant que graveur, lithographe, aquarelliste et peintre. Le design et la photographie l’attiraient également. On peut voir sa nomination à un poste d’enseignant dans son ancienne école en 1915 comme une reconnaissance de son talent
Son incorporation dans la cavalerie n’a rien de surprenant. Elle lui permettra surtout de réaliser de nombreux dessins sur le sujet, qui va devenir le thème central de son œuvre.
Iwan Edwin Hugentobler quitte Saint-Gall en 1920 et déménage à Zurich. Il se marie et fonde une famille. Ses travaux sont appréciés et lui valent un statut d’artiste reconnu. Sa réputation de peintre spécialisé dans les sujets équestres ne le lâche pas. Il travaille surtout sur commande, que ce soit pour des organismes publics ou pour des particuliers.
Source :
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ebay.com -> hugentobler
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